A mes amis qui m’ont partagé Hold-Up

Je voulais revenir sur le sujet du moment, le film Hold-up.
Beaucoup de chose ont été dites, un clivage est bien présent entre les pro et les anti (les antis étant, immédiatement taxés de pro-gouvernements). Je vais, modestement tenter une réflexion quant à ce qu’il se passe et ce que cela produit. Je vais tenter d’être concis et d’éviter toute condescendance ou psychologisation à outrance.

Ce film produit beaucoup de bruit, de partout. J’ai entendu certain.es demander pourquoi le film fonctionne si bien alors qu’il serait faux, complotiste etc … (je rappelle ici, que ce n’est pas l’audience qui fait la qualité de quelque chose) . J’ai entendu qu’il avait été censuré et que cela prouvait qu’il dérangeait. Il l’a été en effet … par les producteurs eux même qui le vendaient sur leur plateforme et qui n’ont jamais voulu qu’il soit diffusé sans le payer, jusqu’à hier où ils ont décidé de le laisser en libre accès. (et ce n’est pas parce que quelque chose s’auto-qualifie de dérangeant que c’est qualitatif). On entend et lit aussi que vu que tous les gros médias le démonte c’est qu’il doit dire la vérité, puisque les médias mentent. Si le monde était aussi binaire, ca se saurait, et concrètement les journalistes sont bien embeté par ce genre d’objet, puisque soit ils le laissent passer et ne font pas leur boulot de vérification, soit ils en parlent et sont inféodés au pouvoir (La binarité produit quand même des situations bien compliqué, n’est-ce pas : face je gagne, pile tu perd)

Je crois donc qu’il y a plusieurs raisons qui font le bruit, d’abord le fait qu’il ait été financé sur la plateforme Ullule (qui a communiqué sur le sujet) depuis août et qu’il ait levé près de 10fois plus que ce que la production demandait.
Ensuite parce que le fond de la démarche c’est la recherche de sens dans cette période de l’histoire au présent très trouble, dans laquelle les repères fondent comme la banquise, dans laquelle les gouvernants mentent presque plus qu’a leur habitudes, dans laquelle nous sommes enfermés chez nous contre notre grès, certaines de nos libertés fondamentales sont brimés, la violence de l’extrême droite et du pouvoir monte. Je ne vous fait pas un dessin, on sait tous que c’est bien la merde.

Je crois aussi que ce film produit ce bruit car il clive, comme je l’ai dit au dessus. Vous avez été plusieurs à m’envoyer le film, ou à le partager sur les réseaux. Il y a un nombre incroyable de commentaires, sur toutes les pages. (il faudrait d’ailleurs data-ifier tout cela, ça serait hyper intéressant, mais je n’ai pas les compétences pour cela et je n’ai encore rien croisé sur la toile).
Il y a donc celles et ceux qui y voit un « très bon documentaire sourcés et fiable » et en face, celles et ceux qui y voit un « film complotiste, conspirationniste et confusionniste ». Les gros médias sont dans cette seconde catégorie, et donc toutes celles et ceux qui émettent le même avis, sont d’offices catalogué comme du coté du pouvoir, « parce que ce documentaire c’est la vérité que tout le monde ment » – sauf le film bien sur.

Alors, en quoi ce film, ou bien les théories non sourcées et simplistes ou bien pseudo-sourcées posent un vrai problème ? Parce qu’elles clivent et binarise la vision (bien vs mal), on vient de le voir. Mais aussi parce qu’elles empêche de penser et provoque des dépenses d’énergies intellectuelle qui pourraient être utilisée ailleurs.
Tout n’est pas faux dans ce film, c’est d’ailleurs ce qui fait sa principale force. Par contre son montage est manipulateur à souhait. (je vous invite à regarder cette conférence qui parle d’un vrai faux documentaire tourné et monté avec les même méthodes que Hold up). Ce film et ce genre de théories, s’appuient sur certains faits qu’elles détournent de leur puissance politique. C’est à dire qu’au lieu de cibler les responsabilités concrètes et réelles et de chercher comment « faire différemment » aurait été possible, ces théories s’enlisent dans des sous entendus qui permettent à chacun de croire quelque chose. Elles cherchent une « vérité cachée », qu’elles viendraient révéler mais qu’elles n’explicitent pas en laissant le spectateur faire les liens tout seul. Or, bien qu’il soit vrai que les gouvernements mentent et arrangent la réalité souvent dans leur propre intérêt, il existe encore des contrôles, qu’ils soient institutionnels ou humain pour contrer ces mensonges et pour les vérifier et les sourcer. C’est le boulot des journalistes, et il en reste des bons et des intègres. Pour le reconnaître, c’est assez simple, la plupart ne courent pas les plateaux télés et rectifient publiquement leurs erreur s’ils se trompent.
Il n’y a que très peu de manipulations de masse, ce qu’il se passe, le plus souvent ce sont avant tout des intérêts particuliers qui s’entre-choc. Alors bien entendu, il y a des intérêts de classe, et la classe dominante est très consciente de ses propres intérêts. Mais la classe dominante, ce ne sont pas des milliers de scientifiques qui cherchent, et se trompent parfois et trouvent d’autre fois. Ce ne sont pas les milliers de journaliste faisant parties des rédactions de gros ou des petits journaux. Ces gens là sont plus proche de toi et moi que de Macron et consorts. Non, la classe dominante, ce sont les grands actionnaires des laboratoire et des médias, ce sont les grandes banques, les blackrock, les gouvernants…
Donc, il est effectivement légitime de questionner le fait que 90 % des médias appartiennent à 9 milliardaires, que les laboratoires pharmaceutiques sont des pompes à fric et qu’ils ont leurs intérêts propres, qui est celui des actionnaire et qui dépasse parfois ou souvent l’intérêt des malades. Et il est vrai que des scandales existent, que des manipulations existent (les armes de destruction massives en Irak juste pour exemple). Il est aussi vrai que la plupart sont révélés, mais de façon sourcées, avec des preuves, des documents fiables, pas avec de l’émotion, comme la peur ou la colère.

Car il s’agit bien de cela dans ce film, combattre les peurs actuelles par d’autres peurs (la musique le montre, le montage le montre, les coupe de Monique Pincon Charlot le montre).
Or on ne fait pas de politique avec de la peur (le gouvernement actuel le fait et il s’enfonce jour après jour dans la défiance ; les états autoritaires et totalitaire l’ont fait aussi et on connaît les dégâts). Et le faire, en plus, en reprenant certaines méthodes des gros médias, comme l’argument d’autorité produit par un « expert » c’est quand même un peu grossier. Le film entend dénoncer une manipulation générale des « experts » tout en ne faisant parler que d’autres experts. Ce n’est pas crédible. Pourquoi je donnerais autant de crédibilité à ces gens là, alors que je n’en donne déjà que très peu à celle qui passent dans les médias (d’ailleurs certains du film ont déjà fait le tour des plateaux télé, et ne sont jamais contredits en direct alors qu’ils ne racontent que des conneries depuis le début, Raoult le premier. Pour plus d’infos sur Raoult, un peu de lecture ).

Comment on remet de la politique là dedans alors ? Avec des idées concrètes comme un pôle publique du médicament, un code de déontologie du journalisme ou d’autres encore. Oui je reprend des idées de La France Insoumise parce qu’elle me paraissent pertinentes et qu’il y a matière à discuter là dessus, contrairement à ce film qui ne laisse aucune place à la discussion.

Oui il faut lutter contre la corruption, oui il faut lutter contre le grand capital, oui il faut lutter contre les puissances financières et étatiques qui veulent contrôler, qui deviennent autoritaires. Et pour lutter, il faut penser, chercher, réfléchir. Et, d’après moi c’est dans ces luttes, et la construction de demain, d’une société émancipatrice, que nous pouvons trouver du sens. Un sens plus profond et plus politique que celui que ce film et ces théories donne en prêt-à-macher.
Car dans le monde dans lequel nous sommes, il n’y a rien de prêt à mâcher. Et si tu croises quelque chose qui l’est, il me paraît essentiel de se méfier à tout prix. Alors oui, ça veux dire se méfier peut être de beaucoup de chose, de tous cotés. Ça peut vouloir dire se méfier de la méfiance qui apporte caution. En tout cas, ça veux surtout dire, remettre en perspective, chercher et croiser les sources ou bien trouver des gens de confiance qui peuvent le faire à ta place.

Car malgré tout, il y a des choses et des gens en qui il est possible d’avoir confiance, bien qu’ils et elles puissent se tromper parfois. Il y a médiapart, arrêt sur image, le monde diplomatique, certaines chaîne youtube, certains comptes twitter. Et il ne s’agit pas de confiance aveugle grâce à un beau discours, ou un discours qui mobilise la peur et la colère, ou un discours qui confirme « ce que l’on pressentait » (comme Ema Krusi, Trotta, Kim Glow etc.). Il s’agit d’une confiance dans l’intégrité et le professionnalisme (concernant les journalistes, mais aussi les médecins comme Christian Lehmann ou d’autre) qui peut être remise en cause, face à des sources contradictoires. Je vois bien que l’exemple Raoult pourrait coller à ce que je dis. Or ce monsieur à menti, ça a été prouvé, sourcé et il a des intérêts dans cette histoire, c’est un charlatan qui dit depuis le début qu’il a raison. Alors pourquoi continuer à le croire et à l’écouter sur le sujet ? Parce que c’est un « grand expert épidémiologiste » ? Sauf que c’est une personne avant tout, avec ses faille et ses intérêts (son IHU et ses financements en l’occurrence). Son titre de professeur qu’il aime exhiber ne produit que de l’autorité mal placé et empêche toute remise en question.

Ce qu’il me paraît très important de garder à l’esprit, d’autant plus en ce moment, et c’est sans doute à cela que nous renvoie aussi cette pandémie. C’est que nous sommes faillible, nous sommes fait de failles qui ne peuvent être comblées de façon permanente. Ces failles, paradoxalement, quand on les reconnaît, c’est aussi, je crois, ce qui fait notre force. On a le droit de se tromper, de faire des erreurs et on a le devoir de les reconnaître. Ces failles ouvrent des perspectives, des changements. C’est le contraire des théories dont je parle depuis tout à l’heure, qui voudrait tout expliquer, tout cadrer, tout comprendre. Ces théories enferment celles et ceux qui y croient dur comme fer dans une impression de toute puissance. Une impression d’avoir compris la marche du monde et d’être au dessus de la mêlée. Mais il y a mille façon différentes de se sentir au dessus de la mêlée (car il me semble que c’est un fonctionnement normal que de rechercher cela) que la pseudo-compréhension d’une pseudo-vérité cachée que seuls les « éveillés » auraient les tenants et aboutissant pendant que les autres sont soit des moutons soit les protagonistes de l’histoire.

Oui, chercher du sens à ce que nous vivons actuellement est nécessaire et même vital. Oui nous en manquons et nous nous retrouvons ballotté dans les flots d’incompétence crasse du gouvernement actuels, du terrorisme, de la crise économique, de la vie quotidienne en berne.
Et oui, je pense que nous pouvons retrouver du sens malgré tout. Cette période mérite encore plus de réflexions, de politique, de soins de soi et des autres, de recul, de prises de conscience à propos des systèmes de domination qui sont à l’œuvre (et qui ne sont pas le fruit de personne qui tirent toutes les ficelles mais bien un amas d’intérêts particuliers et commun qui s’entre-choc à l’intérieur de différents système de représentations du monde).

En tout cas tu l’auras compris, cher ami, il est encore possible d’être viscéralement contre ce gouvernement, ce système et ces puissances d’argents, sans être du coté des théories simplistes que propose le film hold up et d’autres. D’autant, que, je fais une petite parenthèse, certaines fantasmagorie présente dans ce film viennent directement d’un groupe qui s’appelle Qanon, qui propage des fausses nouvelles antisémites, pro trump et très très marqués à l’extrême droite avec une volonté de guerre civile.
Il y a encore moyen de faire de la politique, de reprendre la main. Je n’ai pas de solution magique, il n’y en n’a pas, il va falloir mettre de l’énergie dans la discussion, l’organisation, et reprendre notre pouvoir que nous n’avons pas encore tout à fait perdu. La recherche de sens est légitime mais le sens ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval comme dirait l’autre, le sens se construit car beaucoup d’évènement n’ont pas et n’auront jamais de sens, comme ce virus. Par contre sa gestion politique a du sens et doit être discutée ardemment

Je pourrais encore dire tout un tas de chose en vrac, mais je vais m’arrêter, là. La discussion peut continuer et commentaire ou sur les réseaux. C’est déjà trop long :p

En guise de cadeau (en est-ce vraiment un?), voici un lien vers une explication de la fantasmagorie Qanon qu’on retrouve à la fin du documentaire (parmi les citations, et qui entend parler d’un complot mondial pédo sataniste que Donald Trump serait le seul à pouvoir faire tomber. Ca vous paraît délirant ? Pourtant Un certain nombre de personne présente dans le film partage régulièrement des fausses informations issues de ce mouvement (qui aujourd’hui se rapproche plus d’une secte violente qu’autre chose). https://lundi.am/Conspiration-et-fantasmagorie-a-l-ere-de-Trump-et-du-Covid

Un autre cadeau (un vrai cette fois), l’article de Révolution Permanente sur le sujet : https://www.revolutionpermanente.fr/Du-covid-19-au-Grand-Reset-que-penser-du-film-Hold-Up?fbclid=IwAR1OS5p5upsE5FqQo-oIbisBMA1x53fY5thRNMRmfGzeLCNXIffOGspXjII

Voici aussi l’avis de Loic Staffan, à chaud : https://www.facebook.com/loic.steffan/posts/10221632402871394

Ici, le retour de Monique Pinçon-Charlot, une sociologue qui apparaît dans le film et dont les propos ont été tronqués et manipulés : https://twitter.com/PINCON_CHARL0T/status/1327309067879141377

Et la l’avis de Raphael Pradot, pas vraiment un membre du grand système capitaliste : https://twitter.com/raphpradeau/status/1327631188186554368

D’autre sources et d’autres lien sont dispo, je prends pas le temps de les mettre ici parce que on a déjà perdu trop de temps avec ce truc.

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